Tous ses détracteurs vous le diront, la Bourse
n'est qu'un grand casino ! Mais si l'on peut choisir au pifomètre de
miser sur le rouge ou le noir à la roulette, il est rare qu'un
investisseur choisisse une action au hasard.
Généralement, ce choix est
dicté par des éléments plus ou moins rationnels, comme par exemple des
prévisions de chiffre d'affaires ou de bénéfices établies par un
analyste financier, la position concurrentielle d'une société, la
qualité de ses dirigeants ou la croissance passée de son activité.
Investir dans une épidémie de cancer ?
Mais l'intelligence et la réflexion ne sont pas les seules facettes du caractère humain qui se reflètent dans l'évolution du "marché financier", cet être sans visage qui n'est jamais que la somme des individus qui le composent. Parfois, les investisseurs se laissent bercer par de doux rêves, quand ce n'est pas leur propre sottise.Le 14 mai dernier, Angelina Jolie révéla dans une contribution au New York Times qu'elle s'était fait retirer les deux seins à titre préventif, étant sujette à un risque élevé de cancer. Le jour même, le cours de la société de diagnostic Myriad Genetics, propriétaire du test qui avait décidé l'actrice à cette mutilation volontaire peu réjouissante, bondissait de 3%... un peu comme si toutes les femmes du monde allaient subitement être plus touchées par le cancer du sein du seul fait qu'une actrice célèbre avait craint d'en être atteinte un jour. Les acheteurs un peu pressés auraient du se souvenir que la société était au milieu d'un procès concernant la brevetabilité du génôme humain, suite à la plainte d'une association. Moins d'un mois après le coup de pub offert par la future Madame Brad Pitt, le verdict tombait et l'action de Myriad Genetics avec. Ceux qui ont eu la riche idée de l'acheter à 34 dollars ont aujourd'hui perdu un quart de leur investissement.Quand la Bourse joue l'effet papillon
Encore pouvait-on voir dans ce cas une certaine logique (le cas Angelina Jolie a en effet fait progresser de manière ponctuelle le nombre de tests vendus), les investisseurs sont capables de plus grandes absurdités, comme ce fut le cas à l'été 2012 sur le marché coréen. La société D.I. corp, une société spécialisée dans la fabrication de semi-conducteurs et assez peu connue au plan mondial, connait une intense fièvre spéculative, son cours flambant de 790% en trois mois. Le plus étonnant, c'est que cette spectaculaire hausse s'explique par la simple mise en ligne d'une vidéo sur Youtube ! Cette vidéo qui a depuis lors été visionnée près de 1,8 milliard de fois, est la fameuse parodie "Gangnam Style". Il se trouve que son auteur, connu sous le pseudonyme de Psy, s'appelle en réalité Jae-Sang Park et qu'il est le fils du dirigeant de DI Corp. A part cela, aucun lien, la société de papa n'étant en rien le producteur de la chanson. Deux chercheurs asiatiques ont mis en évidence cette corrélation sans queue ni tête entre le succès international de la chanson et la hausse du titre DI Corp, notamment observée le jour de la rencontre entre Psy et le producteur de Justin Bieber ! Depuis, l'ivresse est en grande partie retombée, évidemment.Des traders qui se trompent d'oiseau
Cette fin d'année 2013 vient de nous offrir un autre beau cas d'irrationnalité du marché, grâce à l'introduction en bourse de Twitter. Certains traders un peu myopes sont allés un peu vite en besogne, considérant l'opération comme déjà faite alors que son projet venait à peine d'être annoncé. C'est ainsi que le cours de la société d'électronique Tweeter Home Entertainment (dont le code boursier, TWTRQ, était certes très proche de TWTR, celui qui symbolisera Twitter sur le marché) a gagné jusqu'à 1.800% en séance le 4 octobre. Outre que le nom de la société différait un peu, les acheteurs auraient pu s'alerter du fait que l'action ne valait que quelques centimes de dollars sur le marché. Lorsqu'une action est dans ce type de situation, c'est généralement le signe d'une dégringolade passée. Et effectivement, Tweeter Home Entertainment est une société en liquidation judiciaire, après avoir fait faillite en 2007.Parfois, même les investisseurs professionnels ont des comportements d'investissement peu rationnels. Ainsi les fonds gérés de manière indicielle doivent juste "coller" à leur indice de référence. Si une action commence à grimper, elle gagne du poids dans son indice et le gérant est ainsi obligé d'en racheter de manière quasi-mécanique, quoi qu'il pense de ses fondamentaux financiers. C'est pourquoi la gestion indicielle est souvent accusée de favoriser les bulles spéculatives. Et on ne vous parle même pas des traders fous qui finissent par faire sauter la banque pour essayer de rattraper leurs bêtises à coups de milliards. Car ceux-ci, en effet, ne font plus trop la différence entre Bourse et casino.
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