Le moins qu'on puisse dire, c'est
que les analystes financiers n'ont pas toujours la cote parmi les
boursicoteurs, certains allant même parfois jusqu'à les appeler de
manière peu amène les "ânes à listes".
Pourtant, quoi de plus sérieux a
priori que le métier d'analyste financier. Ces professionnels de la
finance ont pour mission de donner des conseils d'investissement sur les
sociétés cotées en bourse : conseils d'achat lorsqu'ils estiment un
titre sous-évalué, avec un objectif de valorisation à 6 ou 12 mois,
conseils de vente pour les actions jugées trop chères, voire avis neutre
pour les situations intermédiaires.
Les analystes financiers sont le plus souvent employés par des sociétés de courtage qui passent les gros ordres pour le compte des professionnels de la gestion financière : on parle alors d'analystes "sell side" (côté vendeur), par opposition aux analystes "buy side" (côté acheteur), employés par les sociétés de gestion de fonds. Si les analystes "sell side" sont souvent critiqués, c'est qu'ils subissent un certain conflit d'intérêt évident. L'écrasante majorité du chiffre d'affaires des sociétés qui les emploient provient généralement des commissions prélevées sur les ordres d'achat et de vente de titres passés par les clients et non sur la vente de leurs analyses. Si on prend les choses de la manière la plus cynique, les analystes auraient donc intérêt à changer le plus souvent d'avis pour que les clients achètent, vendent, rachètent, revendent leurs actions le pus souvent possible. La réalité est évidemment moins abrupte car, dans un monde fait de concurrence, un client qui serait mécontent de la qualité des conseils peut toujours aller voir ailleurs.
Mais, s'ils ne sont pas des gens malhonnêtes, les analystes donnent-ils pour autant des conseils suffisamment qualitatifs pour qu'un investisseur fonde ses choix de valeurs sur cette seule base ? C'est ce qu'a voulu savoir Sandy Rattray, directeur général de AHL, une filiale de MAN Group spécialisée dans la gestion financière dite systématique, c'est-à-dire fondée sur la modélisation mathématique. Il a tout d'abord cherché à trier, pour un analyste donné, le bon grain de l'ivraie. Les analystes sont en effet amenés à suivre un grande nombre de sociétés à suivre un grand nombre de sociétés et ne les connaissent pas toutes de manière aussi fine : toutes leurs recommandations ne sont pas nécessairement porteuses de la même conviction ! Sandy Rattray a donc demandé à plusieurs dizaines de cabinets d'analyse reconnus de lui fournir une seule idée chacun, leur meilleur choix du moment.
Y a-t-il de la valeur dans les idées des analystes ?
Pour savoir si la somme de ces idées d'achats a de la valeur, il ne suffit pas ensuite de voir si les actions conseillées montent en bourse. Il s'agit de vérifier si, en moyenne, ces actions font une différence positive par rapport au marché. En finance, on appelle cela "générer de l'alpha" (la finance de marchés adore les lettres grecques !). La conclusion de l'étude menée par AHL est que les meilleures recommandations des analystes financiers font effectivement une différence positive par rapport au marché. C'est particulièrement notable en Asie, sans que cela signifie que les analystes asiatiques sont les meilleurs. Cela traduit plutôt d'autres phénomènes, comme le fait qu'au Japon, les analystes sont très liés aux sociétés qu'ils suivent et bénéficient d'informations très détaillées de la part des dirigeants, se comportant un peu comme un service de communication externalisé des entreprises. Ensuite, en Asie émergente, les analystes ont tendance à suivre moins de sociétés chacun, d'où peut-être une plus grande efficacité.
Quand un analyste vend... achetez !
En Europe aussi, les meilleures idées des analystes collectées par AHL font la différence par rapport au marché, mais celle-ci est assez faible : environ 1,5% de performance en plus du marché au bout de 100 jours. La société a d'ailleurs décidé d'exploiter cette stratégie de collecte d'idée d'analystes, qui est notamment mise en oeuvre sur trois ETF (fonds coté en bourse) lancés en collaboration avec Source, spécialiste de ce type de produits financiers.
Les
analystes financiers ne sont donc pas si mauvais ! Surtout que leur
apport aux gérants de fonds ne se limite pas à des recommandations. Ils
leur communiquent beaucoup d'information sur la stratégie des sociétés,
leurs objectifs, leurs qualités par rapport à la concurrence. Mais il y a
une vraie surprise dans l'étude de AHL, c'est que les conseils de vente
des analystes, eux, ne fonctionnent absolument pas. Autrement dit,
quand les analystes disent de vendre, il vaut mieux acheter !
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